Pitié pour la pitié !

 

Les journaux de cette semaine rapportaient la condamnation pour fraude d’une facebookienne qui s’était donnée des airs de cancéreuse récipiendaire de chimio (foulard ne laissant paraitre aucune mèche de cheveu, teint cireux, voix roque, etc.) afin de soutirer de l’argent d’internautes apitoyés. J’ai tout de suite fait un rapprochement avec ces jolies filles de Venise qui –dans la foulée d’une longue tradition pénitentielle rejoignant une tradition similaire en Inde– se déguisaient en vieilles dames mendiant avec humiliation. Cependant, l’observateur attentif que je suis a vitement vu que, dans la presque tous les cas, le voile tirée bien bas devant cachait mal un visage jeune, que la longue juge noir mat –et quelques fois le maquillage vieillissant vitement appliqué– dissimulaient maladroitement un pied ferme et élégant d’à peine une vingtaine d’années et que, derrière toute ce scène, gisait un sac-à-dos bien dodus de sandales et vêtements neufs et griffés. En soit, ce subterfuge n’est pas plus ni pas moins que celui ce ces autres qui se transforment en statue de la liberté ou en Charlie Chaplin et se postent, ici ou là sur une avenue achalandée, avec devant eux un chapeau ou tirelire attendant pécules et « changes ». Qu’est-ce qui fait qu’ici tout va très bien Madame la Marquise alors que là les dents grincent et la gorge se raidit ? Qu’est-ce qui fait qu’ci on salue l’ingéniosité et la témérité alors que là on est choqué par une telle profanation ? Qu’est-ce qui fait qu’ici on est complice et complaisant alors que là on est hérissé et qu’on a que le goût de crier : pitié pour la pitié !

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