Les phrases qui tuent… ou qui (res)suscitent !

Dans une opération « Carte blanche sur le 50e » organisée par le magazine L’orientation (vol. 4, no. 1, pp. 28-29) à l’occasion des 50 ans de l’Ordre des conseillers d’orientation,  j’ai signé un court article intitulé « Comme des ronds dans l’O » dans lequel je me compare à Saul qui un jour entendit : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ! ». Cette question changea diamétralement sa vie; de persécuteur des chrétiens, Saul (devenu Paul) devint leur plus grand défenseur.

J’ai osé bien humblement faire cette comparaison car j’ai aussi entendu une légère variante de cette « phrase qui tue » qui occasionna chez moi une conversion similaire. Je n’en dirai pas afin de vous donner le goût le de lire ma carte blanche. En revanche, en écrivant cette carte, j’ai pris conscience que j’avais entendu quelques autres phrases qui tuent dont les deux suivantes.

Je te verrais bien en counseling

Quand je fus embauché par l’U. de S. c’était sans aucun doute à cause de mes expériences et initiatives en ISEP –en particulier de mes diverses productions audio-visuelles–  et tout indiquait, pour moi comme pour mon entourage (direction, collègues, étudiants, etc.), que ma carrière universitaire évoluerait vers ce qui déjà commençait à s’appeler les technologies de l’éducation lesquelles plus tard deviendront les techniques d’information et de communication.

Or un jour en 1975, dans l’escalier entre l’étage et le rez-de-chaussée du Pavillon A-2, j’ai rencontré Denis MARCEAU –nouvellement embauché pour développer le counseling– qui me dit, d’abord, qu’Il voulait constituer une “équipe” autour des problématiques théoriques et pratiques en counseling et, ensuite, qu’il me verrait bien dans cette équipe. Un an plus j’amorçais un doctorat en counseling à Boston et ultérieurement, à la demande de mes collègues, y mis l’accent sur le counseling groupal. Or, je suis à mettre une dernière main à un imposant traité sur le potentiel groupal, lequel consacrera une de ses cinq parties au counseling groupal[1]. Voilà une autre phrase qui changea ma vie.

C’est excellent mais cela ne fera pas évoluer la profession

À Boston, les candidats au doctorat devait d’abord réussir un examen-synthèse avant de pouvoir enclencher la rédaction et la soutenance d’une thèse, le but étant évidemment de voir si un doctorant avait les capacités pour mener à bien une telle démarche. Je choisis alors de faire porter cet examen sur les grands courants en éducation[2]. Une fois cet examen réussi avec brio, mon directeur de thèse, Ralph MOSHER, laissa tomber : « C’est excellent mais cela ne fera pas avancer la profession. Si vous aviez pris comme problématique l’entraide (car j’étais à mettre en place un service d’entraide entre jeunes), là c’aurait été fort différent ».

Piqué à vif par cette autre « phrase qui tue », je décidai de faire de mon plein gré un deuxième examen-synthèse, évidemment sur l’entraide. Depuis, je suis reconnu internationalement comme un expert en cette matière, en particulier, pour ce que j’appelle l’entraide qualifiée c’est-à-dire l’entraide centrée sur un problème précis comme la toxicomanie, le décrochage ou, bien évidemment, les problèmes d’orientation particulièrement chez les jeunes.

Depuis, j’ai publié en 1982 l’essentiel de ce deuxième examen-synthèse dans S’entraider (Montréal, Homme). Ce bestseller en son domaine fit l’objet d’une refonte majeure et publié d’abord par le même éditeur en 1991 puis par les Éditions du CRP (Sherbrooke, U. de S.) en1996. Cette réputation et ces publications ont fait que je fus, entre autres, sollicité et subventionné par DRCH pour constituer une équipe et produire un programme de formation et d’encadrement de jeunes entraidants vocationnels. Ce programme comprend deux guides qui furent édités par l’Agence d’ARC de Montréal, soit L’avenir entre nous pour les jeunes et Formation à l’entraide vocationnelle pour les intervenants.

En somme, une phrase qui tue peut être une phrase qui suscite voire une phrase qui ressuscite.

[1] À paraitre au printemps 2014 en coédition chez Septembre Éditeur (Canada) et Qui-plus-est (Europe).

[2] Ce premier examen-synthèse fut condensé et publié en 1981 sous le titre « L’interaction Individu-Environnement comme objectif fondamental du curriculum scolaire » dans L’école et les valeurs, Québec, Fleury/ARC.

Non classé