Regret 3

Il y a un certain nombre d’années, je fus approché par un intervenant communautaire du Nunavik. Son souci était l’amélioration des relations entre les jeunes et les adultes des divers villages composant cet immense territoire. Cet intervenant avait particulièrement à cœur les relations pères-fils ou, plus précisément, le manque de communication entre ces générations. Il prenait contact avec moi à l’invitation d’une Suissesse avec laquelle je travaillais depuis un certain nombre d’années déjà : prévention de la drogue et de la toxicomanie dans les écoles, groupes de parents d’adolescents à risque, groupes de parents avec rejeton atteint d’une maladie incurable, etc.

Cet intervenant et moi avons eu d’abord deux échanges téléphoniques. Chaque fois je lui rappelai brièvement en quoi consistait mon approche de la communication en insistant sur le fait que je ne connaissais aucunement cet immense territoire québécois et encore moins ses habitants, exception faite des stéréotypes touristiques… Il suggéra alors de descendre (au sud) me rencontrer à Sherbrooke. Lors de cette rencontre amicale, je lui redis mon inconfort et ma méconnaissance de cette nation inuite. Loin de le contrarier, cela le rendit encore plus incitatif et persuadé. Une fois retourné au Nunavik, il me contacta à quelques reprises pour me faire part de l’évolution de sa démarche, me rappelant qu’il fallait être patient –belle initiation à la culture du Grand nord– car il devait orchestrer jusqu’à 14 villages jouissant d’une relative autonomie. Chaque fois, je lui répétai douter être la bonne personne-ressource. Nous arrêtâmes finalement des dates plusieurs lunes à l’avance évidemment.

Entre temps, survint une demande de Grèce qui faisait appel à une contribution se situant pleinement dans mes cordes mais qui tombait aux mêmes dates. Comme j’avais toujours de l’inconfort par rapport à ce projet inuit et comme celui-ci avait été reporté à quelques reprises déjà, j’espérai un nouveau report et, après moult réflexions, dit oui à la Grèce. Or une fois tout ce projet bien ficelé (harmonisation des agendas, achat de billets d’avion, réservation d’hôtel, etc.), je reçus un appel triomphant de mon intervenant nordique me confirmant avec enthousiasme et soulagement qu’il avait enfin tout réglé et que la dite tournée pouvait avoir lieu en bonne et due forme. Je n’ai eu malheureusement d’autres choix que de me désister… à son grand désespoir évidement.

Je regrette amèrement cet imbroglio et toutes ses conséquences : effondrement de la crédibilité de cet intervenant « blanc » ambicieux, tenace et dévoué; sabordement de l’espoir soulevé dans les communautés participantes; regain de scepticisme envers les gens du sud; aggravation des conflits intergénérationnels à l’origine de ce projet, etc.

S’il m’était donné  de réparer cet erreur, je le ferai immédiatement et deux fois plutôt qu’une. Désolé, Pardon, je vous aime tous et merci.

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