Quand le temps s’arrête

J’avais initialement prévu d’aborder cette anecdote dans ma série Regret. Or, plus je la pondérais, plus il devenait évident pour moi qu’elle n’en ferait pas partie.

L’épisode en question fait suite au décès de ma première femme, Denise, fin mai 2002. Ce décès scellait, pour elle, deux années de souffrance existentielle et corporelle et, pour moi, autant d’années d’un accompagnement des plus épuisants sur tous les plans : mental, émotionnel, physique. Le cumul des séances de chimiothérapie et des nuits perturbées firent que j’amorçai complètement vanné ce qu’il est convenu d’appeler le veuvage.

Or à peine une semaine plus tard, je reçus un appel d’un directeur adjoint de la Commission scolaire de Rivière-du-Loup me demandant si j’étais disponible pour animer leur journée d’accueil de la rentrée d’automne. (Il faut dire que depuis quelques années j’intervenais régulièrement avec diverses instances de cette commission scolaire et j’y recevais toujours un accueil plus que favorable. Nous étions pour ainsi dire sur la même longueur d’onde.) Cette idée lui était venue suite à une de mes prestations sur le maintien professionnel à laquelle il participait. Ayant compris que maintien professionnel et persévérance scolaire vont de pair, il souhaitait même élargir cette activité jusqu’alors réservée aux personnels en invitant à une délégation étudiante, idée que je trouvai très géniale et pertinente. Si cette prestation avait été dans les semaines à venir, j’aurais sur le champ dit non car c’aurait été au-delà de mes forces et j’étais alors incapable de me concentrer pour élaborer quoique ce soit ! Mais comme cette prestation n’était prévue que pour l’automne, donc, me dis-je fin septembre c’est-à-dire dans 3 mois et 3 semaines, je la notai dans mon agenda 3e semaine de septembre, dis un oui franc et me remis vitement au repos.

Dès le début d’août, ce vaillant directeur reprit contact avec moi afin s’assurer que j’étais toujours disponible. Il débloqua alors le budget approprié et s’engagea à me réserver un hôtel. À vrai dire, je n’avais encore rien préparé mais je me disais que j’avais encore 6 semaines pour le faire. Il me parlait bien de la fin d’août mais je constate maintenant que je décodais cela comme une figure de style persuadé que dans les faits c’était en septembre. Pressentant sans doute de la confusion de ma part, il me rappela une ou deux autres fois –dont la veille de la date fatidique– au point où je commençai à le trouver harcelant et irritant. Le jour venu, il m’appela une dernière fois vers 9h15 pour simplement me dire avec une déception évidente : « La salle est pleine, il ne manque que vous ! »

Avec le recul, je constate que depuis le début de cet épisode, ce directeur me parlait d’Août et je persistais à penser /écrire Septembre. Comme jadis on arrêtait l’horloge lors du décès d’un être cher, ainsi j’avais arrêté le temps. Mille excuses et mille pardons complices Loupérivois ! Je regrette cet épisode malheureux mais, contrairement aux regrets précédents, il n’y a eu aucune intervention consciente de ma part dans cette tournure. Vous avez toujours mon admiration et l’assurance de ma disponibilité.

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