L’inconfort a son actif

Chaque année, lors de ce qu’il est convenu d’appeler la rentrée, je rencontre ici ou là de façons bien particulières d’ex-collègues de travail.

Après une reconnaissance mutuelle, il est d’abord question de santé; question introduite par le classique « Comment ça»? La réponse tourne généralement autour de la santé des gens autour : « Au début de l’été, ma mère fut apportée par un cancer » ou « Il y 3 mois, mon conjoint à fait un ACV » ou encore « Ma fille attend son troisième », etc. Puis viennent les réponses sur leur propre santé : « Je me bats avec une fatigue chronique dont on ne parvient pas à identifier la cause » ou « On vient de me déclarer diabétique » ou encore «  Je pense que je fais de l’arthrose… », etc.

Vient alors la second question qui porte le plus souvent sur le « Qu’est-ce que tu fais de bon? » ou « Qu’est-ce que tu fais de tes journées ? ». Habituellement les ex-collègues interrogés prennent comme référence-démonstrateur les quelques dernières journées qui ont précédées celle-ci. Huit fois sur dix, il est question d’activités physiques et/ou d’activités culturelles ou encore de voyages faits ou à venir mais ce qui transcende les propos est surtout d’ordre relationnel, plus spécifiquement d’ordre intergénérationnel. « J’ai accompagné mon conjoint pour son examen médical » « Je cuisine pour ma fille qui se démène avec la conciliation travail-famille » « J’ai visité ma mère au foyer! » « J’ai gardé les jumeaux de mon fils », etc.

Mais lorsque je révèle à mes interlocuteurs être encore relativement actif professionnellement voire espérer l’être le plus longtemps possible[1], leurs réactions se diversifient en allant d’un certain malaise « C’est tellement différent de moi. Je ne sais plus quoi te dire » à une forme d’admiration « Dans ton cas, ce n’est pas pareil» en passant par une certaine dissociation « Moi, j’ai tourné la page sur cette période de ma vie» ou une pointe de reproche « Il n’y a pas que le travail dans la vie », etc.

Cependant, si la conversation se prolonge, elle porte le plus souvent sur leur dernière décennie de vie active et productive les amenant le plus souvent à l’une des conclusions suivantes :

  • « Je suis bien content d’en avoir fini avec tout cela »
  • « J’en avais assez; j’avais le goût de faire autre chose »
  • « Qu’est-ce que mon entourage aurait dit si j’avais laissé passer cette prime de départ »
  • «  Si c’était à refaire, je partirais bien plus tôt »
  • « Si c’était à refaire, je resterais encore quelques années »
  • « Je me sens trahi. Je suis parti pour laisser la place à la relève mais finalement il n’y en a pas eu »

[1] De façon générale, je n’active rien et ne fais que répondre « sélectivement » aux demandes.