Un digne (?) héritier de Yalom

Lors de la sortie de la 3eédition de S’entraider en 1996, j’ai senti un profond besoin de dédicacer cette version revue, corrigée et fortement augmentée à 9 personnes qui furent pour moi, à un moment ou un autre, des êtres évocateurs c’est-à-dire des êtres éclairants et guidants, pour un temps du moins –quelque fois pour un temps long– mais toujours de façon significative. Je suis de ceux qui croient que s’ils rencontrent Bouddha, ils doivent le tuer ! En d’autres termes, je suis devenu réfractaire à tout maitre et à tout gourou mais, en revanche, suis extrêmement attentif et sensible à toute évocation venant d’êtres marquants et porteurs de sens même sous des couverts trompeurs. Ici plus qu’ailleurs il ne faut pas confondre le message et le messager. Plus récemment, lors du lancement de ce site-blogue, j’ai mentionné que j’étais à une période de ma vie où de telles évocations se manifestaient de plus en plus par des voix juvéniles que l’on pourrait globalement qualifier de relève. Cynthia MARTINY est l’une de ces voix. Depuis des années, elle me presse d’écrire sur les groupes, une idée que je chéris et surtout que je repousse depuis près de 30 ans surtout lorsque j’y accole le mot « traité » ! Opportuniste, je lui ai finalement dit oui à condition qu’avec quelques autres, dont Lucie LAMARCHE, Manon GOSSELIN et Cinthia LAMPRON, elle mette l’épaule à la roue. Or, comme réponse tangible à cette requête, elle me remit il y a quelque temps La méthode Schopenhauer d’Yalom. Je connaissais bien cet auteur pour avoir lu son livre Theory and Practice Of Group Psychotherapy et vu au moins une de ses vidéos durant mes études doctorales. J’avais surtout retenu que nous divergions d’opinions quant à la préséance entre le counseling individuel et le counseling groupal. En clair, je disais qu’il subordonnait celui-ci à celui-là, réduisant celui-ci à n’être qu’une sorte de piste de lancement… qui, avec le temps, s’épuisait et se désagrégeait peu à peu. Or, je viens de terminer la lecture captivante de ce « roman pédagodémonstratif», fort bien traduit d’ailleurs, et je dois admettre que je suis beaucoup plus yalomien que je pensais car, en définitive, je partage en très grande partie sa vision des groupes et de leurs fonctionnements ainsi que sa conception existentielle de la thérapie. Parmi les choses que finalement nous partageons Yalom et moi (ou qu’inconsciemment j’ai hérité de lui) quant aux groupes, il y a entre autres :

  • Parler à un membre (à la 2epersonne grammaticale) plutôt que d’un membre (à la 3epersonne grammaticale).
  • Rendre explicites des relations en invitant régulièrement les membres à réagir à ce qui vient d’être dit ou fait.
  • Dès qu’un nouveau thème émerge, amener les parties (émetteur et récepteur(s)) à se center sur l’ici et maintenant plutôt que sur le là et jadis. Cela revient à dire selon Yalom privilégier l’horizontal au vertical. Dans cette veine, je dis souvent : «  Pour chaque centimètre d’intra, un centimètre d’inter ».
  • Amener fréquemment les personnes, quelles soient émettrices ou réceptrices, à se ressentir.
  • Ne pas craindre de s’autodévoiler comme animateur

Par ailleurs, c’est avec étonnement que je découvre que nous avons la même vision quant au tandem individuel-groupal, vision que je résume ainsi : « Tout ce qui émerge ou tout ce qui est occasionné par un groupe doit y revenir ». Enfin, cette lecture m’a enrichi sur au moins deux points. Dans ce livre, l’attachant psychothérapeute du groupe s’appelle Julius. Or, chaque fois qu’un membre amorce le dévoilement d’un nouveau thème, Julius l’accueille puis rapidement lui demande comme préalable : « Pourquoi maintenant ? ». Par ailleurs, lorsqu’un membre hésite à continuer à s’autodévoiler, il lui dit ou il se dit : « Battre le fer tant qu’il est froid ». Moi qui aimais dire « Aller là où ça chauffe », j’avoue que je dois encore réfléchir pour bien concilier ces deux énoncés… Cependant, Yalom et moi différons sur quelques points que j’ai tendance à attribuer à Perls, un de ces êtres qui est encore souvent évocateur pour moi. Par exemple :

  • – Je privilégie les « comment » aux « pourquoi ».
  • – Je porte beaucoup plus attention au non verbal et à son rapport avec le verbal. Certains parlent ici d’immédiateté et d’autres du fait que je suis un visuel.
  • – Je n’hésite pas à initier des choses. Certains me qualifieraient de proactif.

Tout compte fait, et sans hésitation, je reconnais ouvertement être un héritier –un digne héritier j’espère– de Yalom. Merci Cynthia de m’avoir permis de retrouver ce jalon (ou J’yalom) de mes origines.

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