Jonasien

Je viens de terminer la rédaction d’un traité sur le potentiel des groupes, démarche que je repoussais depuis 25 ans et qui m’a pris 6 ans, alors qu’habituellement il me faut en moyenne 6 mois (tout au plus un an) pour écrire un livre qui constituait pourtant mon vingt-troisième !

En réfléchissant sur cet exceptionnellement long processus je ne peux m’empêcher de faire un humble parallèle avec le Jonas de la bible qui fit tout pour repousser un ordre de mission prétextant tour à tour :

  • ne pas en être à la hauteur;
  • ne pas être digne d’un tel mandat;
  • ne pas être certain qu’il s’agissait d’une authentique mission et non d’une simple enflure insensée de son égo primaire[1];
  • sans oublier le souci de préserver l’intégrité de sa réputation.

Et même lorsque tous ces « ombreux[2] » prétextes furent dissipés d’abord par des fuites en avant et ensuite par 3 jours de réflexion dans les entrailles d’un gros poisson, même lorsqu’il fut acculé par le destin à exécuter cette mission, il douta encore, convaincu que l’ordonnateur cette mission changerait finalement d’idée en cours de route.

De mon côté, dès que j’ai considéré ce projet de traité sur le potentiel groupal, tous ces mêmes prétextes m’ont habité à un moment ou un autre mais, d’un autre côté, je fus mobilisé par un tout autre projet, un essai ontologique sur l’identité des québécoises et québécois dits de vieille souche, et cet autre appel fut si puissant que j’avais l’impression que j’éclaterais si, en priorité, je ne le réalisais pas. Afin de gérer cette intensité, je poursuivis une démarche psychocorporelle qui m’amena à expérimenter viscéralement un parallèle saisissant entre cette intensité et le travail de la femme lors d’un accouchement !

Cependant, une fois cet essai ontologique accouché, les prétextes ci-haut mentionnés reprirent de plus belle, tout particulièrement durant les 6 dernières années consacrées à la rédaction dudit traité. Autrement dit, les années qui suivirent cette production –qui était en somme l’identification du potentiel d’un peuple– furent une sorte d’errance de l’autre côté, un désert où se bousculaient les prétextes-à-la-Jonas. Cet errance m’amena à repérer les clés pour sortir le potentiel groupal de l’impasse des vérités restreintes érigées en idoles (de vases clos à vases communicants), pour intégrer en potentiel les énergies ainsi libérées, faisant de ce traité soit une mémoire du futur.

[1] Plus expressions de ce billet sont tirées du livre Nous sommes coupés en deux d’A. de Souzenelle.

[2] Idem.